Xavier Huillard,
président-directeur général de VINCI
« AVEC LA NÉCESSITÉ D’AGIR DÈS À PRÉSENT FACE À L’URGENCE CLIMATIQUE, LE LONG TERME DEVIENT UN SUJET DE COURT TERME. POUR UN GROUPE COMME LE NÔTRE, CELA OUVRE DES PERSPECTIVES QUI N’ONT JAMAIS ÉTÉ AUSSI TANGIBLES ET VASTES À LA FOIS. »
Comment qualifiez-vous les performances de VINCI en 2023 ?
Ce sont des performances solides. Malgré les incertitudes de notre environnement économique et géopolitique, nous avons poursuivi notre trajectoire de croissance vertueuse en faisant progresser notre chiffre d’affaires, notre résultat opérationnel et notre résultat net, malgré la hausse sensible des frais financiers. Autre point notable, notre cash-flow libre a largement dépassé le niveau déjà record de 2022, renforçant ainsi nos marges de manœuvre pour poursuivre notre développement.
Ces résultats sont la marque d’un groupe bien géré, doté d’un modèle d’organisation et de management qui favorise la performance opérationnelle de chaque entreprise et chaque équipe sur le terrain. Nous sommes des entrepreneurs agiles, ce qui est un atout précieux dans une période de grandes mutations. Nous tirons aussi notre résilience de notre modèle d’affaires. Dans un cadre constant depuis les origines de VINCI, nous n’avons cessé de le renforcer. Il montre aujourd’hui toute sa pertinence, car avec nos trois grands métiers des concessions de mobilité, de l’énergie et de la construction, nous sommes au cœurdes enjeux du monde contemporain, ce qui se reflète dans nos performances actuelles et, plus encore, dans nos perspectives de croissance. Nous renforçons également notre résilience en diversifiant notre exposition géographique : grâce à notre politique volontariste à l’international, lequel représente aujourd’hui 57 % de notre chiffre d’affaires, au lieu de 37 % il y a dix ans.
Dans les concessions, les effets de la crise sanitaire sont-ils désormais derrière vous ?
Clairement oui, comme le montre le fort rebond de notre activité aéroportuaire.
Sur l’ensemble de son réseau, VINCI Airports a quasiment renoué en 2023 avec le niveau de trafic de 2019, dégagé les meilleurs résultats de son histoire, et sort donc renforcé des années de crise sanitaire. Notre parcours dans ce secteur est une belle illustration de notre capacité à renouveler notre modèle : alors que nous étions un acteur marginal sur ce marché il y a 20 ans, nous sommes aujourd’hui le premier opérateur privé au monde, avec un réseau de plus de 70 aéroports dans 13 pays. S’agissant de nos autoroutes, le trafic en France sur le réseau VINCI Autoroutes a légèrement progressé malgré une conjoncture économique moins favorable, illustrant la prépondérance de la mobilité routière dans le système national des transports. Par ailleurs, nous continuons à développer notre réseau d’infrastructures routières à l’international, qui s’étend depuis 2023 au Brésil et s’étoffe en Europe grâce aux projets que nous sommes en train de réaliser en Allemagne et en République tchèque.
VINCI mène aussi une politique de développement volontariste dans les métiers de l’énergie. Quels en ont été les effets en 2023 ?
Il faut effectivement souligner que, là encore, nous sommes devenus un acteur mondial dans des métiers naguère au second plan chez VINCI, grâce à la fois au remarquable parcours de développement de VINCI Energies depuis une vingtaine d’années et, plus récemment, à l’acquisition de Cobra IS, qui nous a rejoints fin 2021. La croissance organique de notre branche énergie s’est élevée à près de 13 % en 2023.
Nous réalisons dans ces métiers un chiffre d’affaires qui se rapproche désormais de celui de nos activités historiques dans la construction. Avec leurs expertises qui couvrent toutes les étapes de la production, du transport, de la distribution et des usages de l’électricité, VINCI Energies et Cobra IS tirent pleinement parti de la transition énergétique. De plus, nous sommes en train de renforcer notre présence en amont et en aval de la chaîne de valeur de ces métiers en devenant financeur, développeur et exploitant de sites de production d’énergie renouvelable, à l’exemple du méga-parc photovoltaïque que nous avons mis en service en juillet 2023 à São José do Belmonte, au Brésil.
Plus généralement, la montée en puissance de la transition énergétique et de la transformation numérique nourrit la croissance de VINCI Energies et de Cobra IS, non seulement dans les infrastructures d’énergie mais aussi dans de nombreux secteurs confrontés aux mêmes enjeux, de l’industrie au bâtiment en passant par les technologies de l’information.
Quelles ont été les performances de VINCI Construction, premier pôle du Groupe en termes de chiffre d’affaires ?
VINCI Construction a fait progresser simultanément son chiffre d’affaires, en particulier à l’international, son taux de marge opérationnelle, qui se rapproche de son plus haut niveau historique, et ses prises de commandes, en dépit d’une politique de sélectivité poursuivie avec constance. Ces performances traduisent à la fois la bonne tenue de ses activités de fonds de commerce dans ses principales places fortes géographiques, sa capacité à réaliser des grands projets parmi les plus importants en cours dans le monde, et le haut niveau d’expertise de ses réseaux de spécialité, qui font eux aussi référence à l’échelle mondiale.
Pour nos constructeurs également, la transition énergétique et environnementale suscite un volume croissant de projets, qu’il s’agisse des infrastructures de transport collectif bas carbone comme le Grand Paris Express en France ou la ligne ferroviaire à grande vitesse HS2 au Royaume-Uni, des travaux de génie civil associés aux infrastructures hydrauliques et énergétiques, comme les stations de transfert d’énergie renouvelable, ou encore des ouvrages de résilience climatique. Dans les activités de bâtiment, l’enjeu énergétique se conjugue à celui de la transformation des lieux de travail, d’habitat et de vie collective afin de les adapter à de nouveaux usages, ce qui génère une proportion toujours plus importante de projets de réhabilitation. Ces mêmes tendances porteuses s’appliquent à long terme à nos activités de promotion immobilière. Nous traversons, certes, dans ce secteur une crise sévère en France, mais en positionnant VINCI Immobilier comme promoteur de référence dans les opérations de recyclage urbain, nous nous donnons les moyens de rebondir dans le temps long, en même temps que nous adaptons nos organisations et nos offres pour faire face à cette crise conjoncturelle.
Comment les perspectives pour les prochains exercices se dessinent-elles ?
Nos perspectives s’inscrivent dans le droit fil des tendances déjà à l’œuvre aujourd’hui : dans les concessions, les besoins de mobilité, qui n’ont jamais été aussi importants partout dans le monde ; dans la construction, le renouvellement continu des infrastructures, des bâtiments et des espaces urbains, comme en témoigne le niveau historiquement élevé de notre carnet de commandes ; et dans l’énergie, la transition vers les énergies bas carbone et l’électrification massive de tous les secteurs économiques.
Ces tendances devraient continuer à nourrir notre trajectoire de croissance au cours des prochaines années, d’autant plus que notre situation financière solide nous permettra de poursuivre dans de bonnes conditions notre stratégie de développement. De plus, elles sont porteuses d’opportunités considérables, car dans la « mère des batailles » que constitue la lutte contre le changement climatique, tous nos métiers sont amenés à jouer un rôle majeur. Avec la nécessité d’agir dès à présent, le long terme devient un sujet de court terme et un enjeu immédiat. Pour un groupe comme le nôtre, cette situation ouvre des perspectives qui n’ont jamais été aussi tangibles et vastes à la fois.
C’est en ayant en tête cette double temporalité que nous avons refondé au début de la décennie notre politique environnementale, dans le but de réduire l’empreinte directe de nos activités et, surtout, compte tenu de l’impact majeur de nos métiers, de contribuer activement à la transition énergétique et environnementale du cadre de vie, des infrastructures et de la mobilité.
Précisément, comment agissez-vous dès à présent pour accompagner la transition écologique ?
Outre nos choix stratégiques, comme lorsque nous renforçons notre branche énergie pour jouer un rôle significatif dans l’essor des infrastructures électriques bas carbone, nous transformons en profondeur nos métiers et nos offres. Dans nos activités de bâtisseur, construire bas carbone, réemployer les matériaux, déployer les solutions de performance énergétique qui tendent vers des bâtiments passifs : tout cela est déjà une réalité. Nous sommes en bonne voie, par exemple, pour atteindre notre objectif ambitieux de réaliser 90 % de nos chantiers en béton bas carbone d’ici 2030.
Dans nos concessions autoroutières, en mettant à la disposition de nos clients sur toutes les aires de services du réseau VINCI Autoroutes des stations de recharge équipées de bornes à haute puissance, nous contribuons à installer la mobilité électrique sur longue distance.En expérimentant sur notre réseau la recharge dynamique des poids lourds par induction et par rail conductif, nous aidons également à développer les technologies qui permettront demain de décarboner le transport routier de marchandises.
Dans l’aéroportuaire, nous sommes déjà bien avancés sur la voie de l’aéroport « zéro émission nette », grâce notamment au déploiement de centrales photovoltaïques sur nos plateformes. Nous travaillons aussi avec nos partenaires des compagnies aériennes et avec les grands industriels du secteur sur les carburants de substitution – les biocarburants dans un premier temps, l’hydrogène à terme – qui conduiront à décarboner le transport aérien.
Nous sommes donc résolument engagés dans la transition écologique, et surtout déterminés à accélérer le mouvement, avec tous les partenaires de notre écosystème, pour être au rendez-vous de la neutralité carbone en 2050, conformément aux engagements de la France, de l’Union européenne et de la plupart des États dans le monde. Les investissements à lancer pour y parvenir, dans les infrastructures de transport comme dans les réseaux d’énergie, sont considérables. Ils ne pourront reposer sur les seuls budgets publics et nécessiteront de faire appel aux partenariats public-privé. Là encore, cela renforce la pertinence de notre modèle historique de concessionnaire-constructeur, associant temps court et temps long.
En conclusion, quel est votre état d’esprit face à ces mutations de fond ?
Nous sommes entrés dans une période durablement favorable à nos métiers.
Cela nous donne la sérénité nécessaire pour nous projeter avec confiance et détermination dans l’avenir. La démarche de performance globale qui a toujours été la nôtre prend tout son sens face aux défis du monde contemporain. Nous poursuivrons donc notre chemin de croissance vertueuse, avec l’ambition de faire grandir nos entreprises et nos collaborateurs tout en faisant œuvre utile pour la préservation de la planète.